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Conte

La légende de l’escargot et du petit personnage égaré

Il était une fois, quelque part, très loin d’ici, un petit personnage en quête spirituelle qui crapahutait dans les bois. Cette virée consistait en la dernière étape de sa retraite introspective. Avant ça, il avait passé un mois dans un monastère pour apprendre à s‘oublier lui-même. A l’issue de l’expédition qu’il était en train de vivre, il était censé retrouver son âme. Seulement voilà, après deux jours de marche, il fallait bien se rendre à l’évidence: il était totalement perdu. Dans sa sacoche, seul un carnet, un flacon de sel et une petite gourde presque vide s‘entrechoquaient au rythme de ses pas.

Au troisième jour, le petit personnage égaré croisa le chemin d’un escargot géant. Ce dernier, voyant le bipède approcher, eût comme premier réflexe de s’enfouir dans sa coquille. Il n’était pas trop du genre à vouloir taper la causette avec le premier venu et espérait pouvoir passer inaperçu. Bien au chaud dans son abri, il s’imaginait être devenu invisible. Après tout, quand il parvenait à rester immobile, n’importe qui pouvait le confondre avec une grosse pierre quelconque. Ça, c’était ce qu’il s’efforçait de croire alors qu’il entendait les bruits de pas approcher. Mais hélas, tout ne se passa pas comme prévu. Intrigué par la forme hélicoïdale de cette « pierre » plantée en plein milieu du chemin, le petit personnage décida de l’examiner de plus près. Il se disait, lui qui s’était perdu dans les bois, que cela pouvait constituer une indication sur la route à suivre.

Il se rappela d’une légende qu’un moine lui avait racontée lors de son séjour dans le monastère, à propos d’une pierre magique qui, au contact du sel, se transformait en un objet désiré. Par chance, il avait gardé dans sa sacoche un flacon qui, jusqu’ici ne lui avait pas été d’une grande utilité. Il saupoudra donc la coquille et attendît que quelque chose se passe. Hélas, aucun phénomène ne se produisît. Après cinq minutes d’attente, le petit personnage reprit son chemin, déçu d’avoir gaspillé le contenu de sa fiole aussi bêtement.

L’escargot, entendant les pas s’éloigner fût aussitôt saisi d’un grand soulagement: le danger était passé. Il sortit de son abri et poursuivît sa route à une vitesse… …d’escargot en quête de nourriture. Mais alors qu’il frôla un végétal, plusieurs gouttes du fluide tombèrent de sa coquille, puis coulèrent sur son flanc. Il sentit dès lors une vive chaleur, de plus en plus intense. Il tourna son regard et s’aperçut avec effroi qu’il était en train de fondre! Le malheureux tâcha d’avancer un peu plus loin, mais bientôt, se retrouva dissout. Il ne resta de lui plus qu’une flaque visqueuse.

Le soir, le petit personnage égaré repassa par là. Il commençait à se faire tard et il ne rêvait que d’une chose: pouvoir dormir dans un lit douillet. Lorsqu’il revit la pierre qu’il avait salé la veille, il ressentit d’abord un profond découragement en constatant être revenu sur ses pas à force d’errer dans la forêt. Mais il remarqua très vite avec stupéfaction qu’une transformation avait bien eu lieu: cette matière visqueuse qui s’étalait juste en dessous… Que pouvait-ce bien être? Et si la légende avait dit vrai? En s’approchant, le petit personnage s’aperçut que la « pierre » était creuse. Elle était assez grande pour qu’il puisse s’y introduire. Elle offrait un abri idéal et assez confortable pour passer la nuit, ce qui tombait bien à cette heure tardive. Tout cela réchauffa son cœur et il se dit qu’il eût bien fait, finalement, d’avoir cru en cette légende. Il s’endormit paisiblement.

Il ignorait qu’il avait en fait éliminé un être vivant et qu’il s’était accaparé sa maison. Il ignorait également que haut dans le ciel, l’âme de l’escargot s’était jointe aux nuages. Depuis là, le gastéropode avait une vue sur tout ce qu’il se passait dans le monde des vivants. Témoin du vol de sa maison, il pleura toutes les larmes de son corps, ce qui se traduisit en torrents de pluie. Il plut tellement que la forêt entière fut totalement inondée. 

Au matin, le petit personnage s’éveilla en douceur. Il se sentait bercé, bien au chaud dans sa coquille. Mais lorsqu’il sortit son cou de l’abri: ce qu’il vit l’abasourdit: un océan à perte de vue! Son abri s’apparentait désormais à une bien fragile embarcation! Qu’avait-il pu bien se passer en une seule nuit? La légende ne faisait pas mention d’un tel revers! Il se sentit bien démuni. De plus, les vagues commencèrent à s’agiter. Très vite, de l’eau s’engouffra dans la coquille et notre malchanceux protagoniste dû écoper sans arrêt. C’était épuisant. Bientôt, des fissures se dessinèrent et la fragile embarcation se disloqua. Le petit personnage perdit connaissance dans le naufrage.

Il se réveilla sur la plage d’une île isolée. Après avoir repris ses esprits, il s’y aventura. C’était un endroit étrange où poussaient d’imposants cristaux de sel. Les seuls êtres vivants à occuper cette terre étaient des gastéropodes géants. Ils apprirent au petit personnage la légende de l’escargot et du petit personnage, celle-ci même que vous êtes en train de lire. Il comprit alors qu’il avait commis sans le vouloir une tragique erreur. Pour se faire pardonner, il entreprit de manger tout le sel de l’île pour éviter à d’autres escargots de connaître le même sort à l’avenir. Ce n’était pas une mince affaire. Plus il mangeait, plus il se desséchait. Au final, il absorba tellement de sel qu’il se transforma en statue. 

Depuis, limaces et escargots se racontent ce conte de génération en génération entre deux dégustations de repas (sans sel).

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